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Témoignage souvenir d'Ellen SAADA

Ellen SAADA a été, de 1985 à 2009, membre du laboratoire de mathématiques de l'Université de Rouen.

Un quart de siècle au Laboratoire
de Mathématiques de Rouen

Je suis arrivée à l'Université de Rouen à l'automne 1985 comme assistante-normalienne, j'ai été affectée au laboratoire de mathématiques comme chargée de recherche au CNRS à l'automne 1986, et j'en suis partie à l'automne 2009, pour rejoindre ma nouvelle affectation comme directrice de recherche, le laboratoire MAP5 de l'Université Paris Descartes. Le laboratoire de mathématiques de Rouen, maintenant LMRS, restera donc le laboratoire CNRS où j'aurai passé la plus grande partie de ma vie professionnelle.
J'ai le sentiment d'avoir mûri avec le laboratoire, en parallèle avec ses intitulés, qui reflètent ses élargissements thématiques, et avec ses emplacements successifs qu'ont été le « bâtiment de maths » puis le « bâtiment (EDF du site) Colbert » à Mont-Saint-Aignan, enfin le « bâtiment (du site) du Madrillet » à Saint-Etienne-du-Rouvray.

Peut-on raconter 25 ans ?

Merci à José de Sam Lazaro. J'ai pour la première fois pensé à venir à Rouen pour y effectuer mon DEA : y était proposé un programme original et unique, qui combinait informatique, probabilités et statistique(1). Mais, enthousiasmée par l'enseignement de Jacques Neveu, j'avais finalement opté pour Paris 6. Ce n'était que partie remise : à Jussieu, doctorante sous la direction de Claude Kipnis, j'ai fait la connaissance de José de Sam Lazaro. José était une des figures marquantes du LMRS, un grand ami auquel je pense souvent ; il me manque. Je lui dois beaucoup, sur tous les plans. Avant tout, c'est grâce à lui que je suis arrivée à Rouen. Je me souviens des TD que j'ai donnés la première année pour son cours d'analyse complexe. Je me souviens des déjeuners sur la place du vieux marché pour fêter nos anniversaires. Je me souviens...

Merci à Jean-Pierre Raoult, qui a œuvré pour associer le laboratoire au CNRS, et y faire recruter par le CNRS un ingénieur, Gérard Grancher, puis un(e) chargé(e) de recherche sur poste fléché, dont j'ai bénéficié. D'ailleurs, une des caractéristiques du LMRS est de comprendre une forte proportion de personnel CNRS.

Jean-Pierre Raoult m'a donné l'opportunité d'enseigner en DEA dès mon arrivée au laboratoire. Cela a été le point de départ du développement de l'étude des systèmes à une infinité de particules à Rouen. Ce thème, peu représenté alors en France, est devenu un des points forts du LMRS, avec la présence de Claudio Landim, Mustapha Mourragui, Olivier Benois, Elise Janvresse, rejoints par Roberto Fernández, Yvan Velenik et Margherita Disertori côté mécanique statistique et physique mathématique. Jusqu'en 2009, 14 thèses ont été soutenues au LMRS au sein de notre groupe. Le LMRS a eu les visites, souvent institutionnalisées, de nombreux collaborateurs, d'Italie, des Etats-Unis, du Brésil, d'Inde... Lors des colloques organisés au LMRS viennent parler les chercheurs les plus marquants du domaine(2), et nos Rencontres de Probabilités sont maintenant mon point d'ancrage annuel au LMRS.

Merci à Claude Dellacherie, qui m'a chaleureusement accueillie à Rouen. J'ai découvert le centre-ville de Rouen à mon arrivée, lors d'une promenade avec José et Claude, qui nous avait guidés de manière accomplie, en s'attardant sur ses lieux favoris (et bien entendu sous le soleil !). Succédant à Jean-Pierre Raoult, il a été un directeur de laboratoire sur tous les fronts. Sans lui, que serait la bibliothèque du LMRS (où, avant l'arrivée d'Isabelle Lamitte, nous faisions des permanences à tour de rôle sous la houlette de Claude) ? et l'atelier des doctorants ? Non content de nous transmettre de belles mathématiques, il nous a initiés entre autres au traitement de texte ChiWriter, lors du passage de la machine à écrire à l'ordinateur.

Poster Merci à Gérard Grancher, personnage central du LMRS. Sans parler de tous ses rôles au sein du laboratoire, Gérard a participé à la création de Mathrice, dont les services sont maintenant indispensables à la communauté mathématique : il nous a incités à utiliser ses boîtes mail, et son accès facilité aux revues. Gérard nous a transmis infatigablement son savoir informatique à travers des mini-formations, en $\TeX$, html, beamer, etc. Passionné de vulgarisation, il nous a encouragés à communiquer: voici mon poster sur les tas de sable, mis au point grâce à Gérard.
Claude, Dominique Fourdrinier, Gérard et moi avons produit durant 3 ans aux PUR(3) les compte-rendus du séminaire hebdomadaire du LMRS, que j'ai co-organisé pendant une quinzaine d'années.

Merci à ..... Je pense bien sûr à Régine Debeurre, dont le sourire illuminait le secrétariat. Je remercie les secrétaires successives, à qui j'ai eu de plus en plus affaire au fil des ans: Denise Leretour, Sylvie Patenère, Marguerite Losada, Edwige Auvray, Sandrine Pichard. Merci à Marc Jolly.

Ma famille

Monet Et puis... pour me rendre au LMRS j'ai pris le train. C'était l'occasion d'échanges animés sur les sujets les plus divers: mathématiques bien sûr, Université de Rouen, politique locale et nationale, littérature et arts (cinéma, théâtre, expositions...), potins en tous genres, bref, des moments irremplaçables. Parmi mes condisciples de train il y avait, entre autres, d'abord José, puis Laurent Legris, passionné d'histoire, Michel Zinsmeister, Georges Hansel, Sonia Fourati, Henri Heinich, Jean-Marie Strelcyn, Ghislaine Gayraud et Patrizia Donato.

Le LMRS a été et restera ma famille, une famille dans laquelle je me suis beaucoup investie. Il règne au LMRS une convivialité peu commune, qui n'a pas disparu alors que le petit noyau initial s'est transformé progressivement en un laboratoire plus étoffé et structuré. Chacun peut y jouer un rôle moteur, quelle que soit sa position hiérarchique. Était-ce à l'image de José ? Les recrutements à Rouen ont fait la part belle à l'international, d'où une ouverture elle aussi peu commune.

Il est difficile de citer tous ceux, permanents ou de passage, dont le compagnonnage m'a enrichie, que ce soit par les multiples activités au sein du LMRS, ou par des discussions dans les couloirs, à la cantine ou ailleurs. Je ne voudrais oublier personne alors je m'abstiens, ils se reconnaîtront.

J'écris ce texte en août 2016, après un séjour au festival d'Avignon. L'un des faits marquants de ce festival fut le feuilleton théâtral quotidien (en parallèle au feuilleton télévisuel) de 45 mn sur l'histoire du festival, présenté dans un jardin par la troupe du fils de Marc Jolly... lequel a transmis hors les murs la bonne parole issue du LMRS. J'ai été plus que surprise d'entendre un des acteurs de Thomas Jolly s'écrier : des sous pour la recherche en mathématiques !

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1. Voir le témoignage de Jean-Pierre Raoult.

2. Comme en témoigne la photo prise lors des RMR 1998.

3. Publications de l'Université de Rouen qui n'étaient pas encore les PURH, Presses Universitaires de Rouen et du Havre. Les 3 volumes vol 1 (88-89), vol 2 (89-90) et vol 3 (90-91), sont toujours en vente.