Texte de Françoise PASQUIS-DUMONT
Françoise PASQUIS-DUMONT a été étudiante à Rouen (alors Université de Caen) de 1962 à 1966. Elle a été professeur de mathématiques au Lycée Camille Saint-Saëns à Rouen. Elle a participé activement à la vie de l'IREM de Rouen. Elle est l'auteur avec Marcel Dumont de Mathématiques pour la tête et les mains publié en 1979. Elle est devenue principale du collège Robespierre de Saint-Étienne du Rouvray. Elle a également été conseillère régionale de Haute-Normandie de 2009 à 2010.
50 années d'amitié avec
Jacqueline Méténier-Jouvin
Evolution du système éducatif des années 60
Dans les années 1960, en raison de l'explosion démographique et du prolongement de la scolarité obligatoire,
« un collège par jour » sort de terre en France. Parmi ces établissements, 57 installations à structure métallique,
dites « Pailleron », du nom du collège qui avait brûlé - et fait 20 morts - en 1973 dans le XIXe arrondissement de Paris.
1963 est l'année du début de la transformation des
Collèges d'Enseignement Général (CEG)
en Collèges d'Enseignement Secondaire (CES)
... la création des établissements est urgente car la scolarité a été allongée jusqu'à 16 ans en 1959.
Le premier cycle des lycées devient aussi CES.
Aussi faut-il prévoir la formation d'un corps d'enseignants pour enseigner dans ces CES: le corps des
PEGC
(Professeur d'Enseignement Général de Collège) est né.
Principe des vases communiquants: on prélève ces nouveaux enseignants sur le corps des instituteurs, formés pédagogiquement.
En même temps des maîtres auxiliaires sont recrutés pour l'enseignement élémentaire.
De l'Ecole normale d'instituteurs à l'Université
Les élèves normaliens et normaliennes sont aussi sollicités, à l'issue de leur formation professionnelle, pour s'inscrire à la Faculté de Rouen dans les sections propédeutiques. La génération 1963-1964 est alors composée d'étudiants aux âges divers, le mélange de générations est très positif. Les professeurs s'appellent: Mme Jouvin, M. Boulard, M. Ranc, M. Homméril ...
En 1963, je fais ainsi la connaissance de Mme Jacqueline Jouvin(1) qui,
en qualité de chef de travaux au Collège Scientifique Universitaire,
assure l'enseignement des mathématiques.
Madame Jacqueline Métenier-Jouvin sera nommée maître-assistante en 1966, à la création de l'Université de Rouen.
En 1967, j'enseigne au Lycée Camille Saint-Saëns au 1er cycle où je retrouve
mon ancien professeur de mathématiques Jeanne Carbonnier, emportée par son enthousiasme,
je me retrouve au sein d'une équipe qui expérimente les nouveaux programmes de mathématiques modernes.
Notre équipe travaille régulièrement avec Jacqueline Métenier engagée dans cette action au sein de l'Université de Rouen :
elle est membre de l'APMEP(2) et fréquente régulièrement
l'INRP2.
L'Université de Rouen se trouve ainsi concernée par ces nouveaux programmes.
J. Métenier accompagne et forme les équipes de terrain, sachant qu'au niveau national André Revuz est la référence.
Création de l'IREM
Ce sont ces engagements-là qui détermineront, en 1972, la création de
l'Institut de Recherche sur l'Enseignement des Mathématiques de Rouen, attaché à l'Université de Rouen.
Jacqueline Métenier en devient la première directrice.
Sa passion pour la pédagogie des mathématiques en lien direct : avec le terrain,
avec les sciences de l'éducation, avec la psychologie, avec la sociologie ...
l'entraîne à créer des démarches novatrices. Je me souviens de séances où elle venait
avec de futurs enseignants, caméscope à la main, dans mes classes,
l'analyse de la séquence permettait alors un débat constructif avec les stagiaires ...
Les conférences du professeur Dailly pédiatre, les exposés des maîtres-assistants en mathématiques,
en informatique ... les écrits d'Edgar Morin, la sémiologie de Bertin ... fécondaient la réflexion des animateurs de l'IREM.
Qui peut oublier son excellent travail de docimologie qui sema le doute et fît d'excellents effets sur nos évaluations des élèves?
Puis l'interdisciplinarité est venue nous trouver à partir de la linguistique,
les groupes concernés pouvaient entendre des spécialistes.
Tant de disciplines auront été sollicitées : géographie, biologie, langues anciennes ...
Grâce à ses missions à l'étranger, aux séminaires internationaux ou des affaires étrangères,
J. Métenier nous aidait aussi à remettre en cause nos manières
de former les adultes et les élèves : elle savait associer les acteurs de terrain aux réflexions plus spéculatives.
Par son action Jacqueline Métenier-Jouvin a su faire rayonner l'Université de Rouen
régulièrement citée dans les publications et actions menées par l'IREM.
Elle a permis à de nombreux anciens étudiants de l'Université de Rouen de prolonger des liens.
Mme Jacqueline Méténier est décédée le 13 avril 2016, elle avait 91 ans.
Merci à Emmanuel Jouvin qui nous a fourni de nombreuses informations sur sa mère.
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1. Jacqueline Métenier-Jouvin, née en 1924, ancienne élève de l'Ecole normale d'institutrices de Montluçon (Allier alors en zone libre), fut élève de l'Ecole Normale Supérieure de Fontenay, agrégée en 1948. Elle a été attachée de recherche au CNRS à Paris. Elle est arrivée à Rouen comme professeur au Lycée Jeanne d'Arc et en parallèle chef de travaux au Collège Scientifique Universitaire. ↩
2. APMEP = Association des Professeurs de Mathématiques de l'Enseignement Public
INRP = Institut National de la Recherche Pédagogique.↩