Texte de Nicolas LANCHIER
Nicolas LANCHIER a fait des études supérieures de mathématiques à Rouen, il a soutenu une thèse en probabilités en 2005. Il est actuellement Associate Professor à l'Arizona State University (USA).
De l’autre côté de l'Atlantique
Rouen, c’est la ville où j’ai fait mes études supérieures, mais c’est aussi la ville où je suis né, la ville où j’ai grandi, sa cathédrale majestueuse et ses cent clochers, le club de natation des Vikings où je nageais tous les soirs au temps du collège et des classes préparatoires au lycée Corneille.
Puis juste avant que nous changions de millénaire, Rouen est pour moi devenu la fac : la joie de vivre, ma passion pour la topologie et la théorie de la mesure, l’agrégation de mathématiques préparée et obtenue la même année que Sébastien Miel, les longs repas au restaurant universitaire entre professeurs et étudiants durant lesquels on parle de mathématiques, de politique, et de la vie en général, et pour finir les longues journées de recherches avec mes quatre compagnons de bureau :
- Lamia Belhadji(1), avec qui je n’ai jamais pu être d’accord sur l’existence de Dieu, mais qui fut aussi ma meilleure amie, exemple de respect, et avec qui j’ai écrit mes premières recherches.
- Vincent Deveaux(2), avec qui j’ai passé mes dernières vraies vacances en France dans les Alpes.
- Nicolas Pétrélis(3), que j’ai revu, après notre soutenance de thèse, à Berlin et plus récemment à Buenos Aires et que j’espère revoir bientôt à une autre conférence.
- Omar Zeitouny(4), à qui je pense tous les jours depuis le début de la guerre civile en Syrie où il est retourné après avoir soutenu sa thèse.
J’ai obtenu mon doctorat peu après le transfert du laboratoire Raphaël Salem de la banlieue nord vers la banlieue sud de Rouen, à moins de 2 km de la maison où j’ai grandi et où mes parents habitent toujours. Maintenant, je suis professeur à Arizona State University, près de Phoenix, à environ 9 000 km de ma ville natale, avec un bureau au 6e étage du département de mathématiques situé au coeur du campus le plus peuplé des Etats-Unis.
Je décris aujourd’hui Rouen comme la ville dont la cathédrale a été peinte sous diverses perspectives et lumières par Claude Monet, parce que le peintre est plus connu que la ville de ce côté de l’Atlantique. J’ai bien sûr suivi avec émotion les attentats de Paris en novembre 2015 à la radio américaine. Ce mois-ci, les Américains ont appris une nouvelle expression et les vraies valeurs françaises : la «joie de vivre» que même les attentats terroristes ne pourront retirer à la France. Je pense également à mes étudiants américains, exemples de courage, qui, pour la plupart et malgré tous les efforts de leur président démocrate, croulent sous les dettes. Après ma double expérience des deux côtés de l’Atlantique, ce que je retiens le plus de mes études universitaires à Rouen, c’est cette joie de vivre qu’on ne trouve malheureusement pas (encore) aux Etats-Unis.
--------------------
1. Lamia BELHADJI, originaire de Mostaganem (Algérie), est maintenant maître de conférences à l'Université Taibah à Médine (Arabie Saoudite). ↩
2. Nicolas PETRELIS est actuellement maître de conférences à Nantes. ↩
3. Vincent DEVEAUX est actuellement professeur de lycée. ↩
4. Nous sommes sans nouvelle d'Omar ZEITOUNY. ↩