Témoignage souvenir d'Olivier DURIEU
Olivier DURIEU a soutenu à l'Université de Rouen en 2008 une thèse en probabilités. Ensuite il a rejoint le Laboratoire de Mathématiques et Physique Théorique de l'Université de Tours.
De la Normandie à la Touraine
Comme beaucoup d'étudiants, après le lycée, je n'avais pas d'idée précise des études vers lesquelles me diriger. C'est un peu par hasard donc, je dois l'avouer, que je me suis retrouvé sur les bancs de l'Université de Rouen en DEUG MIAS(1).
Ma première impression ne fut pas forcément positive. Il y avait beaucoup d'étudiants dans les amphithéâtres (en tout cas en début d'année) et les locaux étaient assez vétustes. À l'époque, sur le site de Mont-Saint-Aignan, les TD se déroulaient dans des préfabriqués empilés façon Algeco (du provisoire qui était déjà là depuis longtemps). Je me souviens aussi des tables-chaises d'écolier ne faisant qu'un seul bloc sur lesquels j'avais grand peine à installer mon mètre quatre-vingt.
Malgré ces conditions de travail un peu rudimentaires, les premiers cours de mathématiques furent une révélation et je me pris vite au jeu. L'approche de celles-ci à l'université me parût beaucoup plus attrayante qu'au lycée. Était-ce dû aux contenus ? Je me rappelle la découverte du « $\varepsilon$ », de la notion de classe d'équivalence et de groupe quotient, de la construction de l'intégrale et plus tard, celle de la topologie, de la théorie de la mesure, de la construction de l'intégrale (encore, mais pas la même) et enfin celle des probabilités.
Était-ce dû aux enseignants ? En six années d'études à Rouen, j'ai eu de nombreux professeurs et ce que je retiens c'est la variété des styles. Il y avait, par exemple, ceux qui étaient très concentrés et pointilleux sur la rédaction (« $(x,y)\in\mathbb{R}^2$ » et surtout pas « $x,y\in\mathbb{R}$ »), ceux qui, au contraire, nous expliquaient les concepts en agitant les mains mais sans rien rédiger, ceux qui résolvaient tous les exercices par la formule magique « c'est trivial ! » (ce qui n'était pas toujours notre avis), ou encore, ceux qui nous surprenaient par leur humour : « cet ensemble est tout vert ».
J'ai surtout eu la chance de rencontrer des enseignants investis qui ont su me transmettre leur passion des mathématiques ainsi que la rigueur inhérente à cette discipline (je retiendrai, parmi d'autres, Olivier Benois, Philippe Jouan ou Paul Raynaud de Fitte qui ont marqué mon parcours).
Je me souviens que lors de mon premier jour à l'université, à la réunion de rentrée, un enseignant nous a dit que « statistiquement » 2 ou 3 d'entre nous feraient une thèse et deviendraient à leur tour enseignants-chercheurs. Ce jour-là je ne m'étais pas senti concerné, mais la suite prouva que j'avais tort ...
Le début de ma thèse coïncida avec le déménagement du laboratoire sur le site actuel de Saint-Étienne-du-Rouvray en 2005. Finis les cours dans les préfabriqués et bonjour les locaux tout neufs ... mais aussi les 40 minutes de « métro » pour rejoindre la faculté (pour cette raison, je crois me rappeler que le déménagement avait été diversement apprécié par les membres du LMRS).
Je garde un très bon souvenir de mes trois années de thèse, d'abord pour ce que j'ai pu apprendre auprès de mes directeurs (Dalibor Volný et Philippe Jouan), pour la découverte d'un domaine de recherche dans lequel je m'épanouis maintenant, pour la découverte d'un métier formidable, mais aussi beaucoup pour l'ambiance au laboratoire.
La plupart des membres du LMRS se sont montrés bienveillants et la transition du statut d'étudiant à celui de « collègue » s'est faite assez naturellement (avec passage du vouvoiement au tutoiement plus ou moins spontané). J'ai apprécié que les doctorants se retrouvent autant impliqués dans la vie du laboratoire et du département. On organisait les enseignements avec les titulaires, on déjeunait ensemble et on se retrouvait pour les pauses café (qui pouvaient être l'occasion de discussions scientifiques). Ces pauses étaient nombreuses car, dans la salle café, une citation de Paul Erdős nous rappelait qu'« un mathématicien est une machine pour transformer le café en théorèmes ».
Je me souviens surtout des bons moments partagés avec mes amis « thésards » (Olivier, Nicolas, Vincent, Islam, Nadira, Saturnin, Editha, Ouerdia). Certains, comme moi avaient fait leurs études à Rouen, d'autres venaient de beaucoup plus loin. Tous ensembles nous pouvions partager nos expériences, nos moments de doute (lorsqu'on bloquaient sur un problème difficile depuis des semaines), nos moments de joie (lorsque notre premier article fût accepté pour publication), nos moments de stress (lorsqu'on préparait notre premier exposé pour une conférence internationale) ... Nous n'avons pas oublié l'implication de plusieurs chercheurs auprès des doctorants. Je pense en particulier à Élise Janvresse, Thierry de la Rue et Claude Dellacherie qui se sont investis dans l'organisation de l'« atelier des doctorants » (devenu maintenant une institution). Lors de cet atelier hebdomadaire on s'essayait à nos premiers exposés mathématiques (pour le meilleur et pour le pire) et on recevait les bons conseils de nos aînés. On terminait la séance en testant les talents de pâtissier de l'orateur du jour, une bonne façon de finir la semaine de travail !
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1. Mathématiques et Informatique Appliqués aux Sciences. ↩