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Témoignage souvenir de Michel BERCOVIER

Michel BERCOVIER a été, de 1969 à 1972, maître-assistant en mathématiques à l'Université de Rouen où il a créé le centre de calcul et soutenu une thèse d'état en 1976. Depuis 1973, il travaille en Israël. Il est actuellement professeur émérite de Hebrew University of Jerusalem.

De mes premiers pas comme assistant
jusqu'à la création de l’unité de calcul

Je suis arrivé en Janvier 1967 à la faculté de Rouen, au sortir de mon service militaire comme assistant en Mathématiques. Je commençais alors une thèse à Paris avec Jacques-Louis Lions. Georges Bourion donnait alors le cours d’analyse numérique et Gérard Lévy les travaux pratiques sur un terminal IBM, relié à un ordinateur IBM à Lille. G. Lévy devait d’ailleurs partir pour Dauphine (oct. 69 ?) et je me retrouvais en charge de la programmation et des TP. La liaison avec Lille et la location du terminal IBM s’avérant coûteuse, je fus chargé de la mise en place d’une solution alternative. Participaient au choix Maurice Bouix, Paul Rougée, le doyen entre autres. De plus nous avions un afflux de nouveaux assistants et d’étudiants en DEA.

En 1970 les contacts avec le ministère (M. Wladimir Mercouroff) sont décevants. Dans le cadre du « plan calcul » , il nous est proposé un « terminal intelligent » de la firme Intertechnique et un accès à un centre de calcul de la région parisienne, mais la liaison par une ligne « spécialisée » (9600 bauds !), à la charge de la Faculté, est plus coûteuse que ce terminal !
Photo Nous faisons un appel d’offre sur le budget prévu par le plan calcul, et avec l’aide de la Faculté et choisissons(1) un mini-ordinateur de Honeywell 316, une configuration de 8K bytes, avec lecteur et perforateur de bandes, une imprimante primitive, et un télétype qui nous sert à préparer les bandes perforées, et bien sur un compilateur Fortran. Les « jeunes » participent avec enthousiasme à l’aventure : Jean-Claude Paumier (qui fera un DEA avec Paul Rougé et un Doctorat avec Philippe Ciarlet), Dominique Léguillon (qui sera directeur du labo de Mécanique à Paris), Janik Carnet, Jean-Pierre Massias, Jean-Pierre Duval au système et d’autres dont je n’ai plus les noms.

Le matin il faut inscrire à la main les quelques instructions du « loader », ce qui permet alors de charger le système, l’Assembleur et le compilateur Fortan. Ce dernier ingurgite le programme et restitue, par bande perforée un programme en Assembleur. La bande est chargée en mémoire, ainsi que la bande perforée contenant les subroutines de base grâce à un programme spécial (éditeur de liens). A ce stade les données nécessaires ont aussi été chargées.
Le programme est lancé, et nous regardons anxieusement les 16 lampes du tableau. Si nous voyons apparaître un schéma fixe, nous savons que le programme boucle indéfiniment, nous devons en interrompre l’exécution et retourner au listing pour chercher l’erreur.
Un contrat(2) sur l’approximation d‘équations intégrales avec la DRME (Direction de la Recherche et des Moyens d'Essais(3)) au sein du Ministère de la Défense, obtenu grâce à M. Bouix(4), programmé avec J. Carnet et J-C. Paumier, nous permet d’augmenter la mémoire et d’ajouter un lecteur de bande magnétique. La phase « bande perforée » est éliminée ! Plusieurs mémoires de DEA et des thèses de troisième cycle sont lancés.

En Octobre 1972, je pars en congé personnel pour l’Université Hébraïque de Jérusalem. Congé renouvelé jusqu’en 1975, date à laquelle je démissionne de l’Education Nationale, pour ne pas bloquer inutilement un poste. Je reviendrai encore une fois, courant 1976, pour soutenir ma thèse d’Etat(5), devant un jury qui comprenait Jean-Pierre Raoult, Georges Hansel, Jean-Pierre Raviart et Roger Temam, sous la présidence de Jacques-Louis Lions.

Ce que je retiens de mon expérience a été le dynamisme de la jeune Faculté, une équipe d’enseignants et d’étudiants prête à l’aventure, un cadre à la taille humaine, et des échanges (musique, repas, etc.) chaleureux, (ce qui n’était pas le cas à Paris), et bien sûr l’expérience de la création du centre de calcul.

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1. Nous avions passé en revue les offres du marché, DEC (PDP-8 trop limité), HP, Intertechnique, IBM. De nombreux voyages et repas dans tout la France ! Nous voulions un ordinateur 16 bit, assez riche en logiciel et avec capacité de développement. L'offre la moins chère et la plus intéressante techniquement fut l'Honeywell 316.

2. Bercovier M., Carnet J., Paumier JC., Etude de l’approximation numérique des solutions d’une équation intégrale. Rapport de recherche, DRME Université de Rouen, 70/710. June 1971.

3. Voir l'article de Menahem Georges, La direction de l'effort scientifique français l'armée. In: Réseaux, volume 4, n°17, 1986. Science, télécommunication et militaire. pp. 45-75. Editions Le Seuil. DOI : 10.3406/reso.1986.1211

4. Maurice BOUIX (1913-2005) a été professeur à l'Université de Rouen de 1964 à 1982.

5. Ce fut la première thèse d'Etat en mathématiques de l'Université de Rouen.